Thursday 15 May 2014

Le procès du sel dérange !

 Le procès du sel dérange !

Récolte sel gris



Le procès du chercheur Pierre Meneton, attaqué par l'industrie du sel, cache un clivage scientifique à l'Inserm sur les causes de cette maladie qui touche 11 millions de français.
par Priska Ducoeurjoly


 

Le sel est-il, oui ou non, responsable dans l'explosion de l'hypertension artérielle ? 
Une chose est aujourd'hui acquise :
Explosion il y a ! 

Les 11 millions d'hypertendus sous traitement, en constante augmentation selon la Caisse nationale d'assurance maladie, représentent la troisième cause de prise en charge à 100 % derrière le diabète et les cancers. 
60 % des plus de 70 ans sont concernés, un adulte sur cinq. 
Le coût de cette pathologie n'est pas uniquement généré par les médicaments de l'hypertension, mais aussi par ceux du diabète, du cholestérol, les anticoagulants, prescrits en association dans une majorité des cas.
En 2006, la prise en charge de l'hypertension et des facteurs de risque associés (les infarctus, les accidents vasculaires cérébraux) atteint ainsi 4,4 milliards d'euros, contre 2,6 milliards en 2000.

C'est dire l'enjeu du procès qui oppose un chercheur de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), pour qui le sel est un facteur de risque majeur, et le Comité des salines de France, qui crie à la désinformation.
Ce comité compte une dizaine de membres et fédère la quasi-totalité de la production de sel du territoire (dont les salines du Béarn), à l'exception des paludiers de l'Atlantique.
Les deux membres les plus importants, les Salins du Midi et les Salines de l'Est, ont engagé le comité dans l'action en justice.
Le délibéré est attendu jeudi 13mars prochain.

Diffamation

L'industrie du sel attaque Pierre Meneton pour diffamation sur une phrase parue dans un petit journal, aujourd'hui disparu (" Toc ") : "Le lobby des producteurs de sel et du secteur agroalimentaire industriel est très actif. 

Il désinforme les professionnels de la santé et les médias." ; 
Au-delà du problème de savoir si la diffamation peut juridiquement être retenue, la question de fond est celle du lien entre sel et hypertension.
Sur ce point, un débat d'experts fait rage au sein du prestigieux Inserm entre Pierre Meneton et le néphrologue Tilman Drueke, tous deux spécialistes de l'hypertension.
Le premier, qui dénonce l'abus de sel, travaille au sein du département de santé publique et d'information médicale de Jussieu.
Le second, qui conteste cette analyse, est non seulement rattaché à l'hôpital Necker, mais conseille aussi, depuis vingt ans, le Comité des salines de France.
 

Au sein de l'Inserm, dont les travaux scientifiques font autorité en matière de santé, ces deux chercheurs s'opposent radicalement. 
Ce qui n'est pas sans compliquer le travail de l'Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments), chargée de définir les apports journaliers maximaux en sel pour chacun d'entre nous. 
La tension monte d'un cran en 2001, lorsque Tilman Drueke, à l'époque expert à l'Afssa, rédige le chapitre sur le sodium dans les "Apports nutritionnels conseillés à la population française" :
"Chez le sujet bien portant, le niveau de la pression artérielle ne dépend que très peu ou pas de la quantité de sel consommée […]. 

Il convient d'éviter les excès dans les deux sens, c'est-à-dire des apports de sel supérieurs à 12 grammes par jour ou inférieurs à 5 grammes par jour.". 
"Ces recommandations sont en totale opposition avec celles données dans le monde depuis trente ans. 
Il n'y a pas une seule expertise collective indépendante qui dédouane le sel", assure Pierre Meneton, qui pose la question du "noyautage de l'Afssa par des personnes ayant des liens d'intérêt très fort avec le privé". 


Exploitation Salin-de-Giraud



"Sur les méfaits de la surconsommation de sel, il y a un large consensus scientifique, mais il est occulté par une poignée d'études financées par le Comité des salines qui souhaitent faire croire que la question n'est pas tranchée. 
Or, il est de notoriété publique que la recherche indépendante ne donne pas les mêmes résultats que la recherche privée.".
Dès 2002, l'Afssa a revu sa position, même si, conséquence du rapport de force, les doses maximales admises (8 grammes par jour) sont notoirement au-dessus du dernier rapport de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2007 : 5 grammes par jour pour la population générale, d'après un travail de 40 experts. 

L'Association médicale américaine n'y va pas non plus avec le dos de la salière : "Les morts attribuées à l'excès de sel représentent un lourd tribut, l'équivalent d'un avion de 400 passagers s'écrasant chaque jour.".

Intérêts financiers
"Si le débat sur la dangerosité du sel est entretenu depuis trente ans, c'est parce que les intérêts financiers dépassent les seuls producteurs. 

Ces derniers trouvent une protection du secteur agroalimentaire.
Le sel est un exhausteur de goût qui permet aussi d'augmenter avantageusement le poids d'un produit grâce à sa faculté de retenir l'eau"
, lâche Pierre Meneton.
Contacté par "Sud-Ouest", Tilman Drueke n'a pas souhaité réagir. 

Du côté du Comité des salines, on s'exprime volontiers :
"Pour nous, le débat est toujours ouvert, explique Sarah Clisci, la directrice. 

Ce qui nous intéresse, c'est de voir l'ensemble des avis sur le sujet. 
Comme souvent en nutrition, ce n'est ni noir ni blanc. 
On ne paye pas les chercheurs. 
Mais nous faisons du mécénat scientifique par le biais d'associations d'aide à la recherche."
En revanche, le Comité des salines n'a pas souhaité commenter la présence d'un groupe du nom de Solvay parmi ses membres. 

Cet industriel, qui produit du bicarbonate de sodium et possède une saline, détient aussi, troublante coïncidence, une filiale santé, Solvay-Pharma, qui fabrique, entre autres, des médicaments contre l'hypertension (Physiotens, Lumitens et Teveten).
Décidément, le dossier du sel n'a pas fini de surprendre.




Obésité

 
Existe-t-il un lien avec l'obésité ?
Publiée dans "Hypertension", mensuel US de l'Association américaine du cœur (American Heart Association), une étude britannique s'interroge sur les liens entre la consommation de sel et la consommation de soda ou de boisson sans alcool chez les enfants.
Les chercheurs de l'Institut Saint-Georges, département de la pression sanguine, rattaché à l'université de Londres, démontrent un fait connu et expérimenté de tous : manger salé donne soif !
Cette évidence ne serait pas sans conséquence dans le développement de l'obésité. 

Les trois chercheurs concluent, après une étude menée auprès de 1.700 enfants de 4 à 18 ans, que la consommation de sel est un facteur majeur de consommation de boissons sucrées. 
Selon eux, il suffirait de diminuer de moitié la consommation de sel pour prévenir l'obésité de l'enfant, à travers la réduction de boissons sucrées.

Apports cachés !
Mais comment réduire notre consommation de sel sachant que 80% de nos apports sont "cachés", c'est-à-dire que nous les consommons hors salière, par le biais des plats préparés, des charcuteries, des fromages, du pain ou encore des produits de grignotage.
Selon deux études de l'Afssa et de l'Institut national de veille sanitaire, publiées en 2007, un Français consomme en moyenne 8,5 g de sel par jour. 

Cela représente une montagne de 180.000 tonnes annuelles. 
Des chiffres relativement cohérents avec les 300.000 tonnes écoulées chaque année pour l'alimentaire par le Comité des salines de France (les paludiers de l'Atlantique ne sont plus adhérents depuis 1999 : Ré, Noirmoutier, Oléron, Guérande), sachant qu'une partie est utilisée pour le déneigement.
Réduire sa consommation de sel passe nécessairement par un retour aux fourneaux familiaux, en ayant la main légère sur la salière !
Une bonne façon de retrouver un équilibre de la pression sanguine implique également des apports supérieurs en potassium, un sel minéral
Faisant baisser la tension, présent en large quantité dans une catégorie d'aliments que les Français consomment de moins en moins : les fruits et légumes. 


Source :
http://ecobio-attitude.org/topic/index.html

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